Rue des Proches

La "Rue des Proches" a pour but d'humaniser encore un peu plus les plaques de rue en donnant la parole à ceux -et je me suis aperçu qu'ils étaient nombreux- dont un membre de leur famille ou un de leurs proches a été honoré par une plaque de rue.

Ce témoignage, direct ou de tradition familiale, vient justifier un peu plus la nécessaire légende qui est due à ceux dont les Services Rendus ont mérité que leur nom soit pérennisé par une voie.

Il me paraît logique de commencer pour montrer la voie par mon grand-oncle Alexandre Batilliot 1908-1944, frère de ma grand-mère maternelle.

"Petite fille à sa mort et partie en 1940 sur les routes de l' exode, je n'ai pas de souvenir direct de mon oncle Alexandre. Nous habitions la Marne sa région natale, et lui habitait déjà Saint-Nazaire où il exerçait la profession de scaphandrier, très utile en temps de guerre. Marié, il avait eu un seul enfant mort accidentellement en bas âge. Grand et "sec", comme son père, il était néanmoins d'un tempérament généreux et blagueur d'après ma mère et mes oncles survivants. Entré en Résistance et traquant les allemands se repliant sur Dunkerque, il est mort au cours d'une embuscade..."
Arlette, fille aînée d'une de ses soeurs.

Vous pouvez retrouvez le discours pour l'inauguration de la place qui porte son nom dans la "rue des Coulisses"


Emmanuelle Visseaux a bien voulu livrer quelques lignes sur son arrière-grand-père, le chirurgien lyonnais Gaston Cotte, dont la vie professionnelle mérite d'être connue et reconnue des femmes surtout.

"Brillant orthopédiste, mon arrière-grand-père se tourna vers une spécialité inattendue, la gynécologie, parce qu'il ne supportait plus de voir l'une de ses filles se tordre de douleur tous les 28 jours ... Touchant pour un homme du début du siècle, non? "
Emmanuelle VISSEAUX
Sa généalogie se trouve ici :
http://www.geneastar.net/fr/bio.php3?choix=cotte


Rida Roty, instituteur dans les Bouches du Rhône, que je connaissais avant de lancer ruedesrues.com n'a bien sûr pas connu son aïeul né à Paris le 11 juin 1846 et décédé le 23 mars 1911 à l'âge de 64 ans, mais il en perpétue avec bonheur la Mémoire.

Cette rue de Paris est un hommage à mon arrière-arrière grand-père. Son nom a circulé en milliards d'exemplaires dans les mains de chacun de vous, pourtant peu y ont prêté attention. En effet, Oscar ROTY est l'auteur de la fameuse Semeuse qui naquit il y a plus de 100 ans pour illustrer les pièces de 50 centimes en argent, puis de 1 franc, 2 francs et 5 francs. Au pied de cette Semeuse "qui sème des idées généreuses sans se soucier des vents contraires" (comme le disait son auteur) un oeil averti peut lire la signature: O. Roty. La Semeuse a connu l'ancien franc, le nouveau franc et maintenant continue de figurer sur les centimes d'euros toujours accompagnée du nom de Roty. Elle commença sa carrière postale il y a exactement 100 ans, précisément le 2 avril 1903 sur un timbre de 15 centimes. Elle eut un succès exceptionnel et sema pendant plus de 38 ans sur les lettres et cartes postales en France et dans de nombreux pays sous administration postale française pour réapparaître encore en 1960 avec le nouveau franc. Les philatélistes et les numismates ne peuvent ignorer l'histoire exceptionnelle de la Semeuse et le nom illustre de Roty tant les variantes sont nombreuses et recherchées.

Je collectionne avec amusement toutes les représentations de la Semeuse sur toutes sortes de supports (médailles, jetons, cartes postales, pin's, porte-clés, publicités, factures, timbres, cahiers, buvards, ...) et je découvre régulièrement des utilisations nouvelles et inattendues. La Semeuse est en effet un symbole qui exprime la confiance, la fortune, la paix...

Oscar Roty créa aussi des centaines de médailles et plaquettes pour des commémorations, des expositions, des évènements de la Troisième République. Il m'arrive de trouver quelques unes de ces magnifiques médailles chez des numismates professionnels ou amateurs ou bien encore sur des brocantes. Quel plaisir de réunir une collection représentative de ses oeuvres. Toute nouvelle acquisition est pour moi un témoignage sensible comme un message de mon ancêtre hors du temps qui me procure beaucoup de joie et d'émotion.

Pour en savoir plus:
Si vous passez un jour d'été du côté de Jargeau près d'Orléans, ne manquez pas de visiter le musée Oscar ROTY où se trouve l'original de la Semeuse et de magnifiques pièces uniques: http://www.coeur-de-france.com/roty.html
Pour admirer quelques unes de ses superbes réalisations: http://www.finemedals.com/roty.html
Pour connaître sa biographie: http://www.archivesmonetaires.org/dossiers/biographies/r_index.html
Pour partager avec moi votre admiration pour Oscar Roty, mon email:


"Canevas, Brasseur, Borgeois, Bernadet, combien de résistants, dans le Sud-Ouest, ont reçu les ordres signés de l'un de ces noms, sans savoir d'où ils venaient. Ils venaient de Georges Bonnac, qui, jusqu'au 30 mai 1944, a dirigé les quatre cinquièmes de la résistance du Sud-Ouest. Il n'est plus là. Il a été arrêté sur trahison. Il n'est pas revenu.
Né le 25 juin 1903 à Bordeaux, il fut déporté en Allemagne, le 9 août 1944, par le train fantôme. Il décédait le 3 janvier 1945, au camp de Melk, en Autriche." Vous pouvez lire la suite, écrite par un de ses amis sur le site de la Résistance en Gironde :

http://ffi33.ifrance.com/ffi33/Biographies/bonnac1.html

Le texte qui suit a été écrit pour "ruedesrues" par Gilberte Bonnac, sa fille. Cadre au centre social de Gradignan en Gironde, elle s'est épanouie dans la direction d'un des premiers centres sociaux à fonctionner durant les années d'après-guerre, car tout ou presque était à inventer.
Raymond, un Résistant reconnaissant que Georges Bonnac n'ait pas parlé lors de son incarcération - ce qui aurait entraîné sa perte - a influencé son choix professionnel. Elle était attirée par les Sciences expérimentales et admiratrice de Paul-Emile Victor, il lui a conseillé de s'orienter vers le droit.
Toujours domiciliée en Gironde, c'est aujourd'hui une active retraitée entretenant des liens étroits avec les survivants de cette sombre époque, et perpétuant le souvenir des disparus. Je lui cède la parole :

"Mon père rencontrait assez régulièrement une demoiselle Résistante, dont la famille avait un poste émetteur clandestin Cours d'Alsace-Lorraine à Bordeaux. Il lui transmettait des renseignements et ils se rencontraient dans un petit bar d'étudiants, à côté de l'actuel Musée d'Aquitaine, qui était alors la Faculté de Lettres. Un jour, elle a manqué les deux rendez-vous fixés, car elle était hospitalisée pour une intervention chirurgicale. Elle n'avait aucun moyen de l'avertir, car elle ne connaissait pas son vrai nom, et ne savait où le joindre. Mais à sa grande surprise, elle l'a vu se présenter à sa chambre avec un bouquet de fleurs. Elle n'a jamais su comment il l'avait retrouvée, car il a été arrêté quelque temps après..."

Mlle Bonnac m'avait raconté ce fait depuis confirmé par écrit, car l'anecdote reflète bien le caractère de son père, "tonique et attentif", mais cachant derrière son sourire un courage et un sang-froid prouvés dans l'adversité.

A Bordeaux, le Centre Financier Régional de la Poste se trouve rue Georges Bonnac Sa fille m'avait dit au téléphone s'être émue, voire offusquée, d'avoir entendu le personnel d'un bureau de poste bordelais prononcer son nom comme un nom commun dans une phrase du style : "Le renseignement doit se trouver à Bonnac". Il me semble au contraire que loin de penser à mal, ces employés avaient complètement assimilé son nom dans un style... télégraphique employé partout aujourd'hui et que l'on ne saurait par essence reprocher à la Poste. Ce n'est pas très différent ailleurs et notamment dans le métro, où l'on descend à Parmentier, à Jaurès ou à Pasteur. Avec du recul, Mlle Bonnac en a convenu.

Il est par contre curieux pour ne pas dire anormal, que la plaque "Rue Georges Bonnac" soit légendée "déporté (1940-1945)", ce qui ne fait ressortir ni sa qualité de Résistant, ni sa durée de détention dont on peut croire, à tort, qu'elle a duré de 1940 à 1945. La légende appropriée serait plutôt en deux lignes : "1903-1945 Résistant mort en déportation "


"Charles Mangold était né le 23 août 1891 à Ostwald, petit village à 13 km de Strasbourg. Alsacien francophile, il refuse son incorporation dans l'armée allemande. Il fuit et s'engage dans la Légion Étrangère puisque considéré comme allemand suite à l'annexion de l'Alsace après la défaite de 1870.

En 1940, il s'engage dans la Résistance en Dordogne, et rejoint le groupe "Roland".

Responsable de l'Armée Secrète, il est arrêté par la Gestapo suite à une dénonciation, le 7 août 1944. Interrogé et torturé, il tente de se suicider en prison. Les allemands le raniment pour l'exécuter le 12 août 1944. (Une semaine avant la Libération de Périgueux, le 19 août 1944)

Son nom figure sur le Monument du Mur des Fusillés derrière le cimetière Saint Georges de Périgueux."

Son fils, Jean-Paul Seret-Mangold, a rédigé cette biographie succincte mais poignante.
Le journal m'a appris, photo à l'appui, que Charles Mangold avait été décoré le 14 juillet 1937 à Strasbourg, par le Général Frère, gouverneur militaire de la ville. Il m'a aussi appris que le fils n'a su l'exécution de son père que plusieurs jours après, et qu'il a subi la lourde épreuve de l'identifier le 27 août au sortir d'une fosse de 47 victimes...

Jean-Paul Seret-Mangold m'a adressé un courrier où lui-même, selon le principe de la Rue des proches, s'exprime à propos de son père.

"Voici quelques traits de la vie de Charles Mangold.

Lorsque nous nous sommes retrouvés dans la clandestinité fin 1943, son premier souci fut de protéger ma mère qui fut hébergée chez des amis à Périgueux, avant de l'envoyer à Paris dans le 15e arrondissement.

Membres de deux différents mouvements, nous ne parlions jamais de nos activités de résistants à la maison. Alors que j'étais membre d'une sixaine de l'O.R.A. (Organisation de résistance de l'Armée) j'ignorais tout des activités de mon père jusqu'au jour où je fus convoqué par mon chef de sixaine à une réunion à laquelle devait participer un membre de l'Armée Secrète. Ma surprise fut grande, quand je vis que le responsable arrivant n'était autre que mon père. C'est ainsi que je devins l'agent de liaison de mon père sur Périgueux jusqu'à notre arrivée dans la clandestinité au groupe"Roland", dans la région de Vergt.. (Groupe Armée Secrète)

Lorsque le groupe "Alsace-Lorraine" fut crée, mon père décida que je devais rejoindre ce groupe alors que lui restait chez "Roland". Nous devions être séparés par prudence, pour éviter qu'en cas d'arrestation, nous soyons pris tous les deux. Cette prudence devait se justifier au mois d'août, lorsqu'il fut arrêté par la Gestapo à Marsac alors que je me trouvais à Vergt.

Une des qualités principales de mon père pendant cette période de clandestinité fut d'être toujours prudent et réfléchi avant de donner un ordre ou une consigne. Il avait en plus un moral d'acier, persuadé de la défaite des nazis. Son principal objectif était de remonter et d'entretenir le moral des maquisards en attendant le débarquement et la victoire pour retourner dans son Alsace natale. LE SORT EN A DÉCIDÉ AUTREMENT !

Sa mort fut pour moi ce qu'il convient d'appeler UN COUP DUR. Je fus obligé d'arrêter mes études alors que je me destinais à une carrière d'ingénieur, les moyens financiers ne me permettant pas de continuer en m'occupant de ma mère cardiaque.

Résumé fait le 10 novembre 2003."

Jean-Paul Seret-Mangold n'a pas trouvé d'emploi en Dordogne, mais il s'y est marié et son épouse l'a suivi lorsqu'il est reparti travailler en Alsace Leur fille y est restée, mais tous deux ont préféré revenir en Périgord à la retraite. Lucienne y a retrouvé ses origines, et alors que trop de ses amis alsaciens avaient endossé l'uniforme allemand, Jean-Paul a retrouvé ses copains du maquis.

La plaque, légendée et de belle facture, mérite un rafraîchissement de ses caractères. Toutefois, même reproche que pour celle de Georges Bonnac, il manque à Charles Mangold sa dimension essentielle de Résistant. "Résistant fusillé en 1944" ou "Responsable de l'Armée Secrète fusillé en 1944"me semblerait mieux convenir . En ce temps, des otages non résistants étaient aussi exécutés par représailles. S'il fallait refaire la légende aujourd'hui, la nationalité des occupants avec qui a eu lieu la réconciliation peut être sous-entendue, alors que la qualité de Résistant se devrait toujours pour Mémoire et Justice, de figurer en toutes lettres. La rue Charles Mangold à Périgueux, ancienne rue du Lycée rebaptisée dès 1947, longe le jardin public où une stèle commémore les alsaciens francophiles. Jean-Paul Seret Mangold préside chaque année le 23 novembre la cérémonie avec dépôt de gerbe qui rappelle l'anniversaire de la Libération de Strasbourg par la 2e D.B. du Général Leclerc. Le colonel Baleyte qui conduisait le 1er char entré dans Strasbourg ce jour là, alors simple soldat de 17 ans, était présent ce 23 novembre 2003.


Cette rubrique a la chance d'avoir pour biographe le neveu de Louis Delluc, le Docteur Gilles Delluc. Voici des extraits du condensé par lui-même pour "ruedesrues" de la biographie (la première et pour l'instant la seule) qu'il a consacrée en 2002 à son oncle : "Louis Delluc, l’éveilleur du cinéma français", aux éditions Pilote 24 à Périgueux. Suivent quelques mots en exclusivité pour "ruedesrues". Le condensé complet paraîtra chaque 22 mars, anniversaire de sa disparition.

"Chacun connaît le nom de Louis Delluc. C'est peut-être même le nom du cinéaste le plus connu, le plus souvent prononcé. Le prix Louis-Delluc récompense le meilleur film français de l’année. Le Goncourt du cinéma ? Non, car c'est un prix totalement indépendant, libre de toute arrière-pensée commerciale.

Louis Delluc, au départ, est un homme de lettres. Il écrit beaucoup. En revanche, il déteste le cinéma de l’époque : du théâtre filmé, des actualités plus ou moins bricolées en studio, des gaudrioles et des séries comme « Fantômas ».

Démobilisé en 1919, il ne lui reste que cinq ans pour éveiller le cinéma français. Cinq ans, seulement, pour éditer « Le Journal du Ciné-club », la revue « Cinéa » et créer les ciné-clubs. Cinq ans surtout pour mettre la main à la pâte et tourner sept films, dont deux comptent parmi les immortels chefs-d’œuvre du cinéma français : « La Femme de nulle part » et « Fièvre ».

Il tourne son dernier film dans la vallée du Rhône, au creux de l’hiver. C’est « L’Inondation ». Il pleut à verse. Louis Delluc y contracte une tuberculose aiguë, la terrible phtisie galopante, qui l’emporte en quelques semaines.

Sans cette fin prématurée, il aurait pu, comme René Clair ou Abel Gance, tourner des films en couleurs et même en cinémascope. Mais sans doute pas finir à l'Académie française…Il est difficile de laisser un souvenir plus vif et une œuvre aussi féconde au terme d’une vie aussi brève."

L'unique plaque de la rue Louis Delluc, un peu vétuste, à été photographiée à Cadouin en Dordogne, où Louis était né le 14 octobre 1890. Sa maison natale s'honore par contre d'une plaque commémorative.

Gilles Delluc rajoute en 2004:

"Je suis le neveu de Louis Delluc. Pas le petit-neveu, comme on dit parfois. Louis appartient à la génération qui m'a immédiatement précédé. Mais il avait seize ans de plus que mon père. Comme Bertrand Tavernier - lui aussi Prix Louis-Delluc - a bien voulu me le confirmer, il y a peu, c'est bien un cinéaste de notre temps, le premier sans doute. Mais il est mort très jeune il y a trois quarts de siècle, ce qui semble le renvoyer au temps des frères Lumière ou de Méliès."